
Editorials 2023
Année après année, le nombre de kilomètres parcourus par le trafic individuel motorisé augmente et les prix du pétrole brut se maintiennent à un niveau élevé. Malgré cela, le ménage suisse moyen n’a pas besoin de se priver pour faire le plein de Diesel ou d’essence, comme c’était le cas il y a 15 ans. L’enquête sur le budget des ménages de l’Office fédéral de la statistique montre que ces dépenses sont restées à peu près stables en termes de montant, et qu’elles ont même tendance à baisser. Cela s’explique en grande partie par les progrès technologiques réalisés dans le domaine des moteurs à combustion. La situation est cependant moins bonne sur les dépenses pour les transports publics: les billets valables dans les communautés de transport régionales et urbaines pèsent plus de deux fois plus lourd dans le budget des ménages qu’à l’époque.
Ces conclusions devraient en surprendre plus d’un, puisque nous sommes constamment confrontés au prix de l’essence, perçu comme (trop) élevé. Chez Avenergy Suisse, il ne se passe pas un jour sans que les médias ne nous demandent pourquoi et comment le prix des carburants est fixé. Nos réponses sont peut-être un peu monotones. Le prix à la pompe se compose: a) du prix du pétrole brut, b) des coûts de transport, c) des coûts d’exploitation individuels de la station-service. Le cours du dollar joue également un rôle. Mais tout cela ne suffit pas. Il y a un autre facteur, qui prend de plus en plus d’importance et dont on ne parle pas assez: le coût de la transformation du pétrole brut en carburant.
Lorsque les prix de l’énergie ont explosé l’année dernière à la suite de l’attaque russe contre l’Ukraine, cela s’est répercuté sur le raffinage: non seulement les prix des matières premières se sont envolés, mais aussi ceux de l’énergie de traitement. De plus, après la fin de la pandémie de Covid-19, la demande en carburants a augmenté partout, alors que les capacités de raffinage en Europe étaient à la limite. Ce serait le moment d’investir. Mais qui pourrait bien investir dans l’économie pétrolière sur un continent qui s’est engagé dans le «Green Deal» et qui envisage de se débarrasser complètement du pétrole dans un peu moins d’un quart de siècle? La pénurie et la menace de négligence des capacités de raffinage sont une conséquence de la politique climatique européenne.
Entre-temps, il faut établir de nouvelles voies d’importation pour les produits pétroliers, qui sont plus longues et souvent plus compliquées, notamment en raison des sanctions contre la Russie. L’écart entre la cotation du pétrole brut et le prix des carburants devrait donc continuer à se creuser. Le facteur «transformation», longtemps oublié, jouera à l’avenir un rôle déterminant dans le prix des produits.
Si, à l’avenir, le prix du carburant se fera davantage sentir dans le porte-monnaie, cela ne sera pas seulement dû à la hausse des marchés du pétrole brut, mais aussi à des choix politiques internes qui rendront plus chères la transformation.
Roland Bilang, Directeur Avenergy Suisse
Editorials 2022
La crise énergétique qui menace résulte des choix politiques trop unilatéraux.
Lorsque l’on parle de l’approvisionnement énergétique de la Suisse avec des experts en énergie, l’image du «trilemme» énergétique revient fréquemment. Derrière ce terme quelque peu énigmatique se cache l’idée qu’une politique énergétique réussie doit trouver un équilibre entre les trois aspects suivants: premièrement, la sécurité d’approvisionnement – y a-t-il toujours suffisamment d’énergie disponible? Deuxièmement, le coût – l’énergie est-elle abordable? Et troisièmement, la durabilité – quel est l’impact de cette énergie sur l’environnement? Si l’un de ces trois aspects prend le dessus, par exemple en raison d’une intervention politique, l’approvisionnement énergétique risque de ne plus être assuré.
Or, c’est exactement ce qui s’est passé ces dernières années. Dans quelle mesure notre approvisionnement énergétique doit être respectueux du climat et de l’environnement? La politique énergétique suisse se pose cette question depuis longtemps. Désormais, le pétrole, le gaz et le nucléaire sont sous pression car leur nocivité environnementale est indéniable. L’énergie atomique a été enterrée de fait avec le oui de la population à la Stratégie énergétique 2050, et l’abandon des énergies fossiles doit également devenir une réalité dans quelques décennies. Le vide qui en résulte doit être entièrement comblé par des sources d’énergie renouvelables telles que le photovoltaïque, l’énergie éolienne, le biogaz et l’énergie hydraulique. Cette stratégie a été élaborée exclusivement dans l’optique de protéger le climat et l’environnement. Tant la rentabilité que la disponibilité ont été sciemment négligées, ce qui est dangereux.
C’est ce que l’on peut appeler une stratégie de beau temps: tant que les chaînes d’approvisionnement mondiales fonctionnaient sans entrave, que l’on pouvait importer suffisamment d’électricité et que les centrales nucléaires vieillissantes continuaient à être exploitées de part et d’autre de la frontière, les faiblesses évidentes de la Stratégie énergétique 2050 ne se voyaient pas. Ce n’est plus le cas, les marchés sont devenus fous, les vieilles certitudes n’ont soudain plus cours, et la crise guette.
Il s’agit désormais de reconsidérer l’importance des deux autres angles du «triangle énergétique». Avons-nous suffisamment d’énergie à disposition, à bon prix et livrable rapidement? Si l’on veut pouvoir répondre par l’affirmative à cette question, on ne peut pas faire l’impasse sur le pétrole. Seuls le diesel, l’essence et le mazout ne souffrent d’aucune pénurie, et ceux qui conduisent une voiture à moteur à combustion ou qui se chauffent au mazout n’ont non seulement rien à craindre cet hiver, mais ils économisent aussi de l’électricité et contribuent ainsi à renforcer la stabilité de l’approvisionnement énergétique. Parfois, la réalité est plus complexe que certains milieux ne le souhaiteraient. Hélas, comme souvent, il faut d’abord une crise pour que ceux-ci s’en rendent compte.
Ueli Bamert, Responsable politique chez Avenergy Suisse
Editorials 2021
La fin d’année, c’est une période propice aux rétrospectives et aux voeux.
Qu’est-ce qui aura marqué 2021, à part le Covid? Peut-être le fait que, pour la première fois depuis longtemps, la sécurité de l’approvisionnement énergétique a été un sujet de préoccupation. Soudain, le spectre de la pénurie plane. Dix ans après la décision précipitée de la Confédération de renoncer aux sources d’énergie éprouvées au profit de solutions encore utopiques, les signes d’un échec de cette politique énergétique se multiplient. Mi-octobre, le président Parmelin a demandé aux entreprises et aux usines de se préparer à une éventuelle pénurie d’électricité. Dans un tel cas de figure, elles devraient réduire leur activité. Même les bus, les trams et les trains ne pourraient plus circuler que de manière limitée. Une situation de pénurie d’électricité, dans laquelle les besoins de la Suisse ne pourraient plus être couverts pendant plusieurs jours, menace déjà dans les années à venir. C’est la conclusion d’une étude externe mandatée par l’Office fédéral de l’énergie et la Commission fédérale de l’électricité.
Cependant, le marché du pétrole et du gaz naturel est également menacé à long terme. Sous la pression des politiques climatiques, de nombreux grands groupes énergétiques remettent de plus en plus en question leurs investissements dans la prospection et l’exploitation de nouveaux gisements de pétrole et de gaz. Investir dans le pétrole, le charbon et le gaz est mal vu et pourrait même finir par être criminalisé. Ces milliards doivent désormais être redirigés vers la production d’énergie verte. Si cela a de quoi ravir les activistes du climat, cela fait en revanche grimper les prix de l’énergie à long terme et cela renforce encore l’inflation. Cet automne, les prix à la pompe ont donné un avant-goût du chemin sur lequel on s’engage. Certes, dans notre pays prospère, cela n’a pas fait de vagues jusqu’à présent. Mais ailleurs, la flambée des prix de l’énergie est un thème brûlant: les chefs de gouvernement des pays de l’UE et le président américain Biden ont tout mis en oeuvre pour maîtriser les prix du gaz et des carburants. Manifestement, les prix avantageux de l’énergie, la paix sociale et le pouvoir politique sont étroitement liés.
Ces quelques lignes ne sont pas très porteuses d’espoir, contrairement à ce qu’il convient d’entendre en cette période de l’Avent. Mais nous sommes confrontés à des défis colossaux que nous devons prendre au sérieux. J’aimerais néanmoins pro ter de l’occasion pour formuler deux voeux pour l’année 2022. Premièrement, je souhaite que nous ayons tous la sagesse de tirer à la même corde et d’arrêter de chercher des coupables. Elle n’existe pas, cette force maléfique qui veut à tout prix tuer le climat. Deuxièmement, je nous souhaite d’accepter avec sérénité la dépendance au pétrole, qui durera encore plusieurs années, en apparente contradiction avec la transition énergétique. Nous vivons à l’ère du pétrole, et il ne suffira pas d’un peu de bonne volonté pour en sortir.
Roland Bilang, Directeur Avenergy Suisse
Editorials 2020
Même si les carburants synthétiques sont encore loin d’être prêts sur le plan commercial, ils profitent déjà d’un soutien important.
Selon une enquête menée par Bosch en Europe, les conducteurs seraient encore très nombreux à préférer la voiture thermique à l’électrique. Voilà qui prouve que le moteur à combustion interne a encore de beaux jours devant lui.
En outre, la plus grande majorité des personnes interrogées dans cette enquête allemande seraient également favorables à des incitations fiscales en faveur des carburants de synthèse. Lesquels contribuent à réduire de manière importante les émissions de gaz à effet de serre. Mais, au fait, comment se déroule la production des carburants de synthèse? De l’énergie renouvelable est utilisée pour diviser l’eau (H2O) en hydrogène (H2) et en oxygène (O2), et ce grâce à la technique d’électrolyse. Le CO2 est extrait de l’atmosphère par «captage direct de l’air» (DAC). Les carburants synthétiques sont produits à partir de l’hydrogène (H2) et du dioxyde de carbone (CO2) par le biais du «Power-to-Gas» (PtG). L’hydrogène et le dioxyde de carbone forment les molécules d’hydrocarbures nécessaires à la combustion.
Bosch à pied d’oeuvre
Outre Porsche, d’autres constructeurs et entreprises du secteur automobile travaillent également sur les carburants de synthèse. Parmi eux, l’équipementier allemand Bosch: «Si nous voulons atteindre les objectifs climatiques, nous ne pouvons pas nous passer des e-fuels», déclare Stefan Hartung, membre du directoire de Bosch. «Les carburants synthétiques sont le seul moyen pour le milliard de véhicules déjà en circulation dans le monde de contribuer à la protection du climat.» L’entreprise allemande ne travaille pas elle-même au développement des carburants de synthèse. «Notre rôle est de rendre les composants du système de transport (ndlr: autrement dit de l’automobile) prêts à utiliser des carburant de synthèse», lance le porte-parole de Bosch, Joern Ebberg. Audi avait également annoncé en 2017 qu’elle entrerait – à titre d’essai – dans la production de diesel synthétique. L’expérience devait prendre place dans une usine en Suisse, à Laufenburg, en Argovie. Cependant, comme on le sait depuis, le projet a été interrompu au début de l’année.
Le plus grand projet européen de production de carburants synthétiques est en cours de construction en Norvège. Sous le nom de «Norsk E-Fuel», diverses entreprises, dont l’expert suisse en capacité d’air direct Climeworks, travaillent sur une usine pilote qui doit produire 100 millions de litres de carburants synthétiques par an d’ici à 2026. Ils doivent être utilisés principalement dans les «secteurs difficiles à électrifier», c’est-à-dire l’aviation et le transport maritime dans un premier temps.
Aucune alternative
«Dans certains secteurs, tels que le transport de marchandises sur de longues distances, les vecteurs d’énergie liquides n’ont pas d’alternative. L’avion à batteries devrait en rester à l’état de prototype», explique Roland Bilang, directeur d’Avenergy, la faîtière des importateurs de carburants liquides. «L’avenir appartient aux sources d’énergie liquides, dont la part fossile peut être continuellement réduite, et ce de manière importante. Théoriquement, rien n’empêchera d’ici quelques années la sortie à la pompe de carburants 100% biogènes et synthétiques, ainsi le trafic routier sera totalement libéré du CO2.» En attendant, la recherche continue.
Roland Bilang, Directeur Avenergy Suisse